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#146157
VictoriaVictoria
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    Les Soliloques du Pauvre – Les Masons

    I — Nocturne




    Quand tout l’ mond’ doit êt’ dans son lit
    Mézig trimarde dans Paris,
    Boïaux frais, cœur à la dérive,
    En large, en long, su’ ses deux rives,
    En Été les arpions brûlés,
    En Hiver les rognons cinglés,
    La nuit tout’ la Ville est à moi,
    J’en suis comm’ qui dirait le Roi,
    C’est mon pépin… arriv’ qui plante,
    Ça n’ peut fair’ de tort à la Rente.

    À chacun son tour le crottoir.
    J’ vas dans l’ silence et le désert,
    Car l’ jour les rues les pus brillantes,
    Les pus pétardièr’s et grouillantes,
    À Minoch’ sont qu’ des grands couloirs,
    Des collidors à ciel ouvert.

    J’ suis l’Empereur du Pavé,
    L’ princ’ du Bitum’, l’ duc du Ribouis,
    L’ marquis Dolent-de-Cherche-Pieu,
    L’ comt’ Flageolant-des-Abatis,
    L’ baron d’ l’Asphalte et autres lieux.

    J’ suis l’ baladeur… le bouff’-purée,
    Le rôd’-la-nuit… le long’-ruisseaux,
    Le marque-mal à gueul’ tirée
    Le mâch’-angoiss’… le cause-tout haut.

    Si jamais vous êt’s dans l’ennui
    Et forcé comm’ moi je le suis
    À c’ que ça s’ passe à la balade,
    J’ vas vous ess’pliquer mon manège :

    Mettons qu’y lansquine ou qu’y neige,
    Eh ben ! allez rue d’ Rivoli,
    Malgré qu’y ait des vents coulis
    On est pas mal sous ses arcades.

    Mais si c’est l’Été… pas la peine,
    Y vaut mieux s’ filer vers la Seine.
    Là su’ eun’ berge ou sous un pont
    Vous pouvez eun’ bonn’ couple d’heures
    Dans la flotte qu’est un vrai beurre,
    Mettre à tremper vos ripatons.

    Tâtez, l’essai n’en coûte rien,
    Car moi j’ connais tous les bons coins,
    Tous les trucs… on peut pas me l’ mette
    À forc’ comm’ ça d’ trouver des joints
    Et d’ boulotter mes kilomètes.

    Aussi des fois su’ la grand’ Ville
    Du haut en bas, du sud au nord,
    Y a si peu d’ pétard et d’ poussière
    Et tout y paraît si tranquille

    Qu’on s’ figur’ que Pantruche est mort,
    Qu’on voyag’ dans un grand cim’tière
    Et qu’y s’ réveill’ra pus jamais,
    (Ah ! nom de Dieu si c’était vrai !)

    Mais des fois juste à ce moment,
    Là-bas… en banlieue… loin du centre,
    Y nous vient de longs hurlements,
    C’est le chien d’ fer ou l’ remorqueur,
    Hou… yaou… on dirait mon ventre !
    Ya haou… on jur’rait mon cœur !

    Seul’ment ces cris-là m’ fout’nt la trouille ;
    Ça m’occasionn’ des idées noires,
    Et me v’là r’parti en vadrouille
    À r’tricoter des paturons
    Pou’ pas risquer d’êt’ fait marron
    Par les escargots de trottoir.

    On rencont’ ben des attardés,
    Des clients en train d’ rouspéter,
    Que leurs pip’lets laiss’nt poireauter
    Eune heure à leur cordon d’ sonnette.

    Des chiffortins, des collignons,
    Des tocass’s qu’a pas fait leur plâtre,
    Des cabots qui rent’nt du théâtre,
    Des magistrats qui r’vienn’nt du claque,
    Des poivrots, des flics ou des macs.

    (Mais, marioll’, quand qu’on est honnête
    On néglig’ ces fréquentations.)

    Des fois que j’ traîne mes arpions d’ plomb,
    J’ m’arr’pos’ et j’ m’adosse à un gaz
    Pour voir « à quel point nous en sommes »,
    Tout fait croir’ que j’ suis vagabond :

    Et d’ Charonne au quartier Monceau,
    Au milieu du sommeil des Hommes,
    Me v’là seul avec ma pensée
    Et ma gueul’ pâl’ dans les ruisseaux !

    Les nuits où j’ai la Lun’ dans l’ dos,
    J’ piste mon Ombr’ su’ la chaussée,
    Quand qu’ j’ai la Lun’ en fac’ des nuits,
    C’est mon Ombre alorss qui me suit ;

    Et j’ m’en vas… traînaillant du noir,
    Y a quét’ chose en moi qui s’ lamente,
    La Blafarde est ma seule amante,
    Ma Tristesse a m’ suit… sans savoir.

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