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Sur la méthode
Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu’on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes, qu’en expliquant celle que la géométrie observe.
Mais il faut auparavant que je donne l’idée d’une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne sauraient jamais arriver : car ce qui passe la géométrie nous surpasse; et néanmoins il est nécessaire d’en dire quelque chose, quoiqu’il soit impossible de le pratiquer.
Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s’il était possible d’y arriver, consisterait en deux choses principales : l’une, de n’employer aucun terme dont on n’eût auparavant expliqué nettement le sens; l’autre, de n’avancer jamais aucune proposition qu’on ne démontrât par des vérités déjà connues; c’est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions. […]
Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible : car il est évident que les premiers termes qu’on voudrait définir en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions qu’on voudrait prouver en supposeraient d’autres qui les précédassent; et ainsi il est clair qu’on n’arriverait jamais aux premières.
Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs qu’on n’en trouve plus qui le soient davantage pour servir à leur preuve. D’où il paraît que les hommes sont dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit dans un ordre absolument accompli.
PASCAL, De l’esprit géométrique (rédigé vers 1657, publié en 1776), section I.