Cinq poèmes et cinq musiques

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  • #142396
    VictoriaVictoria
    Participant
      #148292
      VictoriaVictoria
      Participant

        Rutebeuf La Complainte



        Que sont mes amis devenus
        Que j'avais de si près tenus
        Et tant aimés
        Ils ont été trop clairsemés
        Je crois le vent les a ôtés
        L'amour est morte
        Ce sont amis que vent me porte
        Et il ventait devant ma porte
        Les emporta

        Avec le temps qu'arbre défeuille
        Quand il ne reste en branche feuille
        Qui n'aille à terre
        Avec pauvreté qui m'atterre
        Qui de partout me fait la guerre
        Au temps d'hiver
        Ne convient pas que vous raconte
        Comment je me suis mis à honte
        En quelle manière

        Que sont mes amis devenus
        Que j'avais de si près tenus
        Et tant aimés
        Ils ont été trop clairsemés
        Je crois le vent les a ôtés
        L'amour est morte
        Le mal ne sait pas seul venir
        Tout ce qui m'était à venir
        M'est advenu

        Pauvre sens et pauvre mémoire
        M'a Dieu donné, le roi de gloire
        Et pauvre rente
        Et droit au cul quand bise vente
        Le vent me vient, le vent m'évente
        L'amour est morte
        Ce sont amis que vent emporte
        Et il ventait devant ma porte
        Les emporta


         

        #148293
        VictoriaVictoria
        Participant

          Charles d’Orléans  – Fermez-lui l'huis au visage

          Fermez-lui l’huis au visage
          Mon cœur, à Mélancolie
          Gardez qu’elle n’entre mie
          Pour gâter notre ménage

          Comme le chien plein de rage
          Chassez-la, je vous en prie
          Fermez-lui l’huis au visage
          Mon cœur, à Mélancolie

          C’est trop plus notre avantage
          D’être sans sa compagnie
          Car toujours nous tance, et crie,
          Et nous porte grand dommage.
          Fermez-lui l’huis au visage.

          #148294
          VictoriaVictoria
          Participant

            Théophile Gautier – Noël  (Recueil : Émaux et camées)

            Le ciel est noir, la terre est blanche ;
            — Cloches, carillonnez gaîment ! —
            Jésus est né ; — la Vierge penche
            Sur lui son visage charmant.

            Pas de courtines festonnées
            Pour préserver l’enfant du froid ;
            Rien que les toiles d’araignées
            Qui pendent des poutres du toit.

            Il tremble sur la paille fraîche,
            Ce cher petit enfant Jésus,
            Et pour l’échauffer dans sa crèche
            L’âne et le bœuf soufflent dessus.

            La neige au chaume coud ses franges,
            Mais sur le toit s’ouvre le ciel,
            Et, tout en blanc, le chœur des anges
            Chante aux bergers: « Noël! Noël! »

            #148295
            VictoriaVictoria
            Participant

              François Coppée – Menuet

              Marquise, vous souvenez-vous
              Du menuet que nous dansâmes ?
              Il était discret, noble et doux,
              Comme l'accord de nos deux âmes.

              Aux bocages le chalumeau
              À ces notes pures et lentes ;
              C'était un air du grand Rameau,
              Un vieil air des Indes galantes.

              Triomphante, vous surpreniez
              Tous les coeurs et tous les hommages,
              Dans votre robe à grands paniers,
              Dans votre robe à grands ramages.

              Vous leviez, de vos doigts gantés,
              Et selon la cadence douce,
              Votre jupe des deux côtés
              Prise entre l'index et le pouce.

              Plus d'une belle, à Trianon,
              Enviait, parmi vos émules,
              Le manège exquis et mignon
              De vos deux petits pieds à mules ;

              Et, distraite par le bonheur
              De leur causer cette souffrance,
              À la reprise en la mineur
              Vous manquâtes la révérence.

              #148296
              VictoriaVictoria
              Participant

                Pierre Louÿs – La Pluie (Recueil : Les Chansons de Bilitis)   

                La pluie fine a mouillé toutes choses, très doucement, et en
                silence. Il pleut encore un peu. Je vais sortir sous les arbres.
                Pieds nus, pour ne pas tacher mes chaussures.

                La pluie au printemps est délicieuse. Les branches chargées
                de fleurs mouillées ont un parfum qui m'étourdit. On voit briller
                au soleil la peau délicate des écorces.

                Hélas ! que de fleurs sur la terre ! Ayez pitié des fleurs
                tombées. Il ne faut pas les balayer et les mêler dans la boue ;
                mais les conserver aux abeilles.

                Les scarabées et les limaces traversent le chemin entre les
                flaques d'eau ; je ne veux pas marcher sur eux, ni effrayer ce
                lézard doré qui s'étire et cligne des paupières.

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