APOLLINAIRE, Guillaume – Poésies, 1

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  • #146060
    Prof. TournesolProf. Tournesol
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      APOLLINAIRE, Guillaume – Poésies, 1


      Clotilde

      L’anémone et l’ancolie
      Ont poussé dans le jardin
      Où dort la mélancolie
      Entre l’amour et le dédain


      Il y vient aussi nos ombres
      Que la nuit dissipera
      Le soleil qui les rend sombres
      Avec elles disparaîtra


      Les déités des eaux vives
      Laissent couler leurs cheveux
      Passe il faut que tu poursuives
      Cette belle ombre que tu veux

      #146061
      Prof. TournesolProf. Tournesol
      Participant

        La tzigane

        La tzigane savait d’avance
        Nos deux vies barrées par les nuits
        Nous lui dîmes adieu et puis
        De ce puits sortit l’Espérance


        L’amour lourd comme un ours privé
        Dansa debout quand nous voulûmes
        Et l’oiseau bleu perdit ses plumes
        Et les mendiants leurs Ave


        On sait très bien que l’on se damne
        Mais l’espoir d’aimer en chemin
        Nous fait penser main dans la main
        A ce qu’a prédit la tzigane

        #146062
        Prof. TournesolProf. Tournesol
        Participant

          Le pont Mirabeau

          Sous le pont Mirabeau coule la Seine
          Et nos amours
          Faut-il qu’il m’en souvienne
          La joie venait toujours après la peine.

          Vienne la nuit sonne l’heure
          Les jours s’en vont je demeure

          Les mains dans les mains restons face à face
          Tandis que sous
          Le pont de nos bras passe
          Des éternels regards l’onde si lasse

          Vienne la nuit sonne l’heure
          Les jours s’en vont je demeure

          L’amour s’en va comme cette eau courante
          L’amour s’en va
          Comme la vie est lente
          Et comme l’Espérance est violente

          Vienne la nuit sonne l’heure
          Les jours s’en vont je demeure

          Passent les jours et passent les semaines
          Ni temps passé
          Ni les amours reviennent
          Sous le pont Mirabeau coule la Seine

          Vienne la nuit sonne l’heure
          Les jours s’en vont je demeure

          #146063
          Prof. TournesolProf. Tournesol
          Participant

            Marie

            Vous y dansiez petite fille
            Y danserez-vous mère-grand
            C’est la maclotte qui sautille
            Toutes les cloches sonneront
            Quand donc reviendrez-vous Marie


            Les masques sont silencieux
            Et la musique est si lointaine
            Qu’elle semble venir des cieux
            Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
            Et mon mal est délicieux


            Les brebis s’en vont dans la neige
            Flocons de laine et ceux d’argent
            Des soldats passent et que n’ai-je
            Un cœur à moi ce cœur changeant
            Changeant et puis encor que sais-je


            Sais-je où s’en iront tes cheveux
            Crépus comme mer qui moutonne
            Sais-je où s’en iront tes cheveux
            Et tes mains feuilles de l’automne
            Que jonchent aussi nos aveux


            Je passais au bord de la Seine
            Un livre ancien sous le bras
            Le fleuve est pareil à ma peine
            Il s’écoule et ne tarit pas
            Quand donc finira la semaine

            #146065
            Prof. TournesolProf. Tournesol
            Participant

              Les colchiques

              Le pré est vénéneux mais joli en automne
              Les vaches y paissant
              Lentement s’empoisonnent
              Le colchique couleur de cerne et de lilas
              Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
              Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
              Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne


              Les enfants de l’école viennent avec fracas
              Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
              Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
              Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
              Qui battent comme les fleurs battent au vent dément


              Le gardien du troupeau chante tout doucement
              Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
              Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne

              #146066
              Prof. TournesolProf. Tournesol
              Participant

                Bestiaire (Extraits)


                Le dromadaire

                Avec ses quatre dromadaires
                Don Pedro d’Alfaroubeira
                Courut le monde et l’admira.
                Il fit ce que je voudrais faire
                Si j’avais quatre dromadaires.


                Le chat

                Je souhaite dans ma maison :
                Une femme ayant sa raison,
                Un chat passant parmi les livres,
                Des amis en toute saison
                Sans lesquels je ne peux pas vivre.

                #146067
                Prof. TournesolProf. Tournesol
                Participant

                  Les saltimbanques

                  Dans la plaine les baladins
                  S’éloignent au long des jardins
                  Devant l’huis des auberges grises
                  Par les villages sans églises


                  Et les enfants s’en vont devant
                  Les autres suivent en rêvant
                  Chaque arbre fruitier se résigne
                  Quand de très loin ils lui font signe


                  Ils ont des poids ronds ou carrés
                  Des tambours des cerceaux dorés
                  L’ours et le singe animaux sages
                  Quêtent des sous sur leur passage

                  #146068
                  Prof. TournesolProf. Tournesol
                  Participant

                    Aquarelliste

                    À Mademoiselle Yvonne M…

                    Yvonne sérieuse au visage pâlot
                    A pris du papier blanc et des couleurs à l’eau
                    Puis rempli ses godets d’eau claire à la cuisine.
                    Yvonnette aujourd’hui veut peindre. Elle imagine
                    De quoi serait capable un peintre de sept ans.
                    Ferait-elle un portrait ? Il faudrait trop de temps
                    Et puis la ressemblance est un point difficile
                    À saisir, il vaut mieux peindre de l’immobile
                    Et parmi l’immobile inclus dans sa raison
                    Yvonnette a fait choix d’une belle maison
                    Et la peint toute une heure en enfant douce et sage.
                    Derrière la maison s’étend un paysage
                    Paisible comme un front pensif d’enfant heureux,
                    Un paysage vert avec des monts ocreux.
                    Or plus haut que le toit d’un rouge de blessure
                    Monte un ciel de cinabre où nul jour ne s’azure.
                    Quand j’étais tout petit aux cheveux longs rêvant,
                    Quand je stellais le ciel de mes ballons d’enfant,
                    Je peignais comme toi, ma mignonne Yvonnette,
                    Des paysages verts avec la maisonnette,
                    Mais au lieu d’un ciel triste et jamais azuré
                    J’ai peint toujours le ciel très bleu comme le vrai.

                    #146069
                    Prof. TournesolProf. Tournesol
                    Participant

                      Automne

                      Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
                      Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
                      Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux


                      Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
                      Une chanson d’amour et d’infidélité
                      Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise


                      Oh ! l’automne a fait mourir l’été
                      Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises

                      #146070
                      Prof. TournesolProf. Tournesol
                      Participant

                        La cueillette

                        Nous vînmes au jardin fleuri pour la cueillette.
                        Belle, sais-tu combien de fleurs, de roses-thé,
                        Roses pâles d’amour qui couronnent ta tête,
                        S’effeuillent chaque été ?

                        Leurs tiges vont plier au grand vent qui s’élève.
                        Des pétales de rose ont chu dans le chemin.
                        Ô Belle, cueille-les, puisque nos fleurs de rêve
                        Se faneront demain !

                        Mets-les dans une coupe et toutes portes doses,
                        Alanguis et cruels, songeant aux jours défunts,
                        Nous verrons l’agonie amoureuse des roses
                        Aux râles de parfums.

                        Le grand jardin est défleuri, mon égoïste,
                        Les papillons de jour vers d’autres fleurs ont fui,
                        Et seuls dorénavant viendront au jardin triste
                        Les papillons de nuit.

                        Et les fleurs vont mourir dans la chambre profane.
                        Nos roses tour à tour effeuillent leur douleur.
                        Belle, sanglote un peu… Chaque fleur qui se fane,
                        C’est un amour qui meurt !

                        #146071
                        Prof. TournesolProf. Tournesol
                        Participant

                          Mai

                          Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
                          Des dames regardaient du haut de la montagne
                          Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne
                          Qui donc a fait pleurer les saules riverains

                          Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
                          Les pétales tombés des cerisiers de mai
                          Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
                          Les pétales flétris sont comme ses paupières

                          Sur le chemin du bord du fleuve lentement
                          Un ours un singe un chien menés par des tziganes
                          Suivaient une roulotte traînée par un âne
                          Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes
                          Sur un fifre lointain un air de régiment

                          Le mai le joli mai a paré les ruines
                          De lierre de vigne vierge et de rosiers
                          Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
                          Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

                          #146072
                          Prof. TournesolProf. Tournesol
                          Participant

                            Nuit rhénane

                            Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
                            Ecoutez la chanson lente d’un batelier
                            Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
                            Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds


                            Debout chantez plus haut en dansant une ronde
                            Que je n’entende plus le chant du batelier
                            Et mettez près de moi toutes les filles blondes
                            Au regard immobile aux nattes repliées


                            Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
                            Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter
                            La voix chante toujours à en râle-mourir
                            Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été


                            Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire

                            #142124
                            Prof. TournesolProf. Tournesol
                            Participant
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